Le message de la lumière I

Ce que nous apprend la lumière

Atomes et lumière

La Terre est bleue comme une orange*

Toutes les civilisations se sont interrogées sur la nature de la lumière, phénomène qui reste encore mystérieux à plus d'un égard. Jusqu'au XVIIIe siècle, elle est considérée comme la forme parfaite de la flamme. L'œil est également supposé émettre « un éclat » et, bien que cette hypothèse disparaît vers le XIe siècle, sa rencontre avec celui émis par les corps rayonnants participe au mécanisme de la vision.
Pourquoi le ciel est bleu ? À cette question, le physicien n'apportera pas la même réponse que le peintre.
Notre perception de la « couleur » est le résultat d'une interaction entre les électrons de la matière et un rayonnement. Il nous est ainsi possible de ne voir qu'un objet émettant ou réfléchissant de la « lumière ». La couleur est ainsi un phénomène physiologique interprété par le cerveau.

Le message de la lumière

La matière absorbe ou émet de l'énergie sous forme d'ondes électromagnétiques. La lumière visible ne correspond qu'à une infime partie de ce spectre électromagnétique. En étudiant cette interaction, en émission ou en absorption, il est possible de connaître différentes caractéristiques d'un corps solide ou gazeux : composition, température, densité…

Lumière visible et spectre électromagnétique
La lumière visible n'est qu'une infime partie du spectre électromagnétique [CC BY-SA 4.0.]

Cette branche de l'astrophysiqueAstrophysique : partie de l'astronomie qui étudie la nature physique des astres, notamment par le biais de la spectroscopie.
Glossaire
constitue la spectroscopieSpectroscopie : branche de l'astrophysique qui étudie les objets célestes par l'examen de leur spectre. Cette analyse procure des informations sur la température, la composition chimique et permet de déduire le mouvement radial des corps célestes.
Glossaire
. Elle nous donne la majeure partie des informations obtenues sur les corps célestes, et ce malgré l'affirmation par le philosophe Auguste Comte (1798-1857) – dans son Cours de philosophie positive –, de l'impossibilité de connaître la composition chimique des étoilesÉtoile : elle se forme à partir d'un nuage de gaz qui s'effondre sous l'effet de la gravitation. Si la masse du nuage est suffisamment importante, la concentration de la partie centrale peut atteindre les conditions nécessaires aux réactions thermonucléaires.
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en raison de l'incapacité de pouvoir les explorer directement.

Les prémices

Couleur, luminosité

La théorie aristotélicienne (Aristote, 384 à 322 av. J.-C.) de la couleur, modèle dominant qui fera autorité jusqu'à la Renaissance, assimile la couleur à la luminosité. Elles semblent effectivement « naître » avec la lumière du jour et disparaître avec elle. Bornes extrêmes de la palette, le blanc et le noir sont considérés comme des couleurs à part entière, leur subtile mélange donnant naissance à toutes les autres teintes. L'éventail des couleurs va donc du blanc au noir en passant par le jaune, le rouge et le bleu.
Pour notre perception actuelle des couleurs, également le fruit d'une évolution culturelle, la juxtaposition du rouge et du vert semble anachronique. En Occident, ce contraste est jugé faible par les « coloristes médiévaux ».

Classement des couleurs avant le XVIIe siècle
Classement des couleurs avant le XVIIe siècle

Addition, soustraction

Il existe une différence fondamentale entre la couleur d'un faisceau de lumière colorée et celle d'une peinture, encre… La colorisation d'une lumière se fait de façon additive, elle est la somme de l'addition de teintes ; le blanc étant leur addition totale. En revanche, une peinture ne restitue qu'une partie des couleurs et en absorbe d'autres, la somme des couleurs donne du noir ; la synthèse des couleurs par pigmentation est soustractive.

Mélanges additifs et soustractifs des couleurs
Mélanges additifs et soustractifs des couleurs

La controverse

L'observation de la lumière, longtemps considérée comme la messagère des dieux, nous a très tôt apporté quelques notions fondamentales. La lueur solaire « perçant » les nuages apporte une première évidence : sa propagation se fait en ligne droite ; une relation entre feu et lumière semble également établie, chacun semblant tour à tour provenir ou se transformer en l'autre.
La nature de la lumière, confondue avec ces « rayons lumineux », ne pouvait être qu'un flot continu de corpuscules se propageant en ligne droite et à très grande vitesse.
Il faut attendre le jésuite italien Francesco Maria Grimaldi (1618-1663) pour découvrir le phénomène de diffraction de la lumière.

Rayons solaires traversant des nuages
Spectacle de « rayons solaires » traversant des nuages

La lumière est constituée de particules

À l'aide d'un prisme triangulaire en verre, Isaac NewtonIsaac Newton
Esprit universel, Newton peut être tout autant qualifié de mathématicien, physicien que d'astronome. Co-inventeur du calcul différentiel et intégral avec Gottfried Wilhelm Leibniz, il est également le créateur du premier télescope qui porte son nom…
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(1643-1727) est le premier à démontrer, entre 1664 et 1669, la décomposition de la lumière blanche (ou lumière visible). L'expérience lui semble à ce point saisissante qu'il appelle sa manifestation « spectre ». Il vérifie également qu'une couleur ne peut se décomposer à nouveau après le passage au travers d'un second prisme, elle reste monochromatique.
Il en ébauche une théorie corpusculaire : la lumière blanche est le mélange de particules de toutes les couleurs de l'arc-en-ciel qu'un prisme permet de séparer.
Si cette théorie expliquait la réflexion ou la diffusion, elle ne pouvait rendre compte d'un phénomène également observé : le renforcement ou la destruction d'une lumière réfléchie par les deux faces d'une lame de verre. Le concept était incomplet…

La lumière est une superposition d'ondes

Une théorie concurrente est proposée par Christiaan HuygensChristiaan Huygens
En 1659, il est le premier à remarquer que les « anses » de Saturne étaient un anneau dont l'aspect variait en fonction des positions relatives de la planète avec la Terre. Quatre années auparavant, il avait découvert son plus gros satellite : Titan…
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(1629-1695) : la lumière est constituée de multiples ondes, chacune étant spécifique à une couleur. La déviation du rayonnement se fait en fonction des longueurs d'ondes, le rouge étant moins dévié que le bleu et le violet.
Dans un premier temps, les phénomènes de diffraction et d'interférence semblent donner raison au second. Puis, l'effet photoélectrique (1887) et l'effet Compton (1922) mirent en évidence son caractère corpusculaire.
La physique moderne réconcilie tout le monde : la lumière est à la fois ondes et corpuscules (Louis de Broglie, 1923).

Déviation d'un rayonnement en fonction des longueurs d'ondes
Déviation d'un rayonnement en fonction des longueurs d'ondes

Avènement d'une science

En 1835, la nature du SoleilSoleil
Le Soleil n'est que l'une des 100 milliards d'étoiles qui constituent notre Galaxie.
Étoile Soleil
est encore totalement ignorée. Pourtant, en 1802, William Hyde Wollaston (1766-1828), travaillant dans le domaine de l'optique, était déjà parvenu à distinguer plusieurs bandes sombres dans le spectre solaire, mais il ne les étudiera pas plus avant et ne donnera aucune interprétation sur leur formation.
En 1814, l'opticien et physicien allemand Joseph von Fraunhofer (1787-1826), à l'aide d'un réseau dispersif plus performant, y met également en évidence la présence de raies sombres, isolées ou en groupes, et en dresse un catalogue en leur affectant une lettre. En comparant le spectre solaire avec celui de certaines flammes, il constate que certaines raies sombres se retrouvent aux mêmes longueurs d'ondes.
En 1859, le physicien Gustav Robert Kirchhoff (1824-1887) et le chimiste Robert Wilhelm Bunsen (1811-1899), deux autres scientifiques allemands, mesurent la position de milliers de ces stries et démontrent qu'elles coïncident avec celles émisent par des éléments connus comme l'hydrogène, le calcium et le sodium. En 1861, ils identifient deux nouveaux métaux terrestres : le rubidium et le césium. La présence d'un élément encore inconnu est mis en évidence dans l'atmosphère du Soleil, il sera naturellement nommé « hélium », avant d'être retrouvé dans notre environnement terrestre.
Kirchhoff et Bunsen émettent l'hypothèse que chaque atome possède un spectre de raies spécifique. Il faudra cependant attendre le XXe siècle et l'émergence de la mécanique quantique pour que les scientifiques en donnent une explication satisfaisante, mais ils viennent de donner naissance à l'un des outils les plus puissants de l'analyse chimique (et de l'astrophysique !) : la spectroscopie.

Portrait de Joseph von Fraunhofer
Joseph von Fraunhofer (1787-1826)

Quelques dates importantes

  • Avant le XVIIe siècle : assimilation de la couleur à la luminosité ;
  • 1664 : découverte de la décomposition de la lumière blanche par Isaac Newton (1643-1727) ;
  • 1802 : le lien entre longueur d'onde et couleur spectrale est réalisé par Thomas Young (1773-1829) ;
  • 1814 : observation de raies sombres dans le spectre solaire par Joseph von Fraunhofer (1787-1826) ;
  • 1859 : hypothèse de l'unicité d'un spectre atomique par Gustav Robert Kirchhoff (1824-1887) ;
  • 1861 : première analyse du spectre solaire par Gustav Robert Kirchhoff et Robert Wilhelm Bunsen (1811-1899) ;
  • 1913 : premier modèle de l'atome en accord avec son spectre par Niels Bohr (1885-1962) ;
  • 1924 : détection d'un effet doppler dans le spectre des galaxies par Edwin HubbleEdwin Hubble
    La jeunesse de Edwin Hubble se partage entre plusieurs passions : les mathématiques, l'astronomie et… la boxe où il concourt dans la catégorie « poids-lourds ». En 1910, il change de cap et rejoint Oxford pour étudier la jurisprudence…
    Glossaire
    (1889-1953)…

* Paul Éluard, L'amour, la poésie. 1929