Les calendriers I

La diversité des calendriers et la maîtrise du temps

Mesurer le temps

Les premières tentatives d'enregistrement du temps ont plus que probablement été faites à partir de l'observation des phases lunaires. Des os plats portant des encoches gravées furent découverts lors de fouilles, en 1962, près du lac Turkana (à l'époque lac Rodolphe) au nord du Kénia. L'interprétation moderne de ces successions d'incisions, et de leurs formes, laisse à penser qu'elles pourraient indiquer le décompte des jours entre les différentes phases de la LuneLune
Le couple Terre-Lune peut être considéré comme une planète double qui orbite autour du Soleil à partir d'un centre de gravité commun…
Lune
. La couche d'où est extrait cet os est datée de −8 500. Des ossements encore plus anciens, remontant au paléolithique supérieur (env. −20 000), ont été trouvés en Ukraine et en République Tchèque ; ils portent des encoches taillées selon la même logique.

Calendriers lunaire et luni-solaire

Le Soleil a rendez-vous avec la Lune,
Mais la Lune n'est pas là et le Soleil l'attend.
Charles Trénet (1913 - 2001)

Le cycle régulier des phases lunaires, très facile à observer, a rendu cette utilisation aisée… un certain temps. Car si la face de notre satellite change suivant des cycles immuables, elle n'est guère coopérante pour annoncer avec certitude le retour des saisons, renseignements dont une civilisation essentiellement composée de cultivateurs et de chasseurs avait le plus besoin.
En effet, la période synodiquePériode synodique : la période synodique d'une planète est le retour à une même configuration Terre-Soleil-planète.
Glossaire
(du grec synodos = rencontre) de la Lune n'est pas un multiple entier de jours : sa durée (moyenne) exacte est de 29,530 59 jours, soit 29 jours 12 heures 44 minutes et 3 secondes. L'alternance de mois de 29 et 30 jours fut la solution adoptée par bon nombre de civilisations pour égrener le temps. Ce manque de coordination entre le cycle lunaire et celui des saisons a ainsi parallèlement stimuler la réflexion et l'intérêt pour l'observation astronomique (levers héliaquesLever héliaque : lever d'un astre qui précède juste celui du Soleil.
Glossaire
).
Pour des populations vivant principalement de l'agriculture, dont le rendement encore faible était plus que jamais lié au cycle solaire, il devint primordial de mettre en vigueur un calendrier de type luni-solaire. En théorie c'est très simple : faire concorder l'année tropiqueAnnée tropique : période séparant deux passages successifs du Soleil au point vernal. Elle vaut 365,2422 jours.
Glossaire
avec un nombre entier de lunaisons. Comble de malchance, la mécanique céleste étant l'œuvre d'un Dieu visiblement un peu fâché avec l'arithmétique, l'année tropique n'est pas un multiple entier de périodes synodiques, elle en contient 12,368.
Aussi a-t-il fallu recourir à quelques artifices : on a périodiquement ajouté une journée, voire même un « mois conventionnel », à l'année pour parvenir à conserver un accord suffisamment correct entre les deux cycles.

Pierre du Soleil
La Pierre du Soleil, pierre commémorative aztèque

Le calendrier chaldéen

Le premier calendrier chaldéen était de type lunaire. L'année était composée de 12 mois alternés de 29 et 30 jours, dans l'ordre : Nisanu, Aïru, Sivanu, Douzu, Abu, Elulu, Tashritu, Arajshamma, Kisilivu, Thebitu, Shabatu et Addaru. Elle contenait donc 354 jours, soit un décalage de plus de 11 jours avec l'année tropique. Au bout de 8 années l'écart correspondait à une saison entière. Conséquence : Hammurabi (également Hammourabi, Hammu-rapi ou Khammurabi), roi de Babylone entre 1792 et 1750 avant notre ère, instaura par décret un nouveau calendrier.
L'année restait composée de 12 lunaisons de 29 et 30 jours, mais tous les trois ans elle en contenait 13 par doublement de la dernière. Ce système n'étant pas en parfait accord avec l'année tropique, les intercalations ne se firent pas toujours selon ce critère strict. La chronologie chaldéenne contient en effet plusieurs années consécutives de 13 mois.
Les hébreux, beaucoup moins versés dans l'astronomie et la surveillance des levers héliaques, adoptèrent celui des chaldéens avec qui ils étaient en contact depuis leur fuite d'Égypte (−1645). Ils utilisaient également un mois intercalaire qualifié de mois embolismique dont l'usage empirique était décidé par des prêtres… si les récoltes annuelles n'étaient pas mûres à temps !
Les chaldéens utilisaient deux systèmes de numération : l'un décimal, l'autre duodécimal. C'est d'après ce système qu'ils ont divisé leur jour en 12 périodes de deux heures (kasbu) à raison de soixante minutes par heure (60 est divisible par tous les diviseurs de 10 et de 12). Leur jour commençait… au coucher du Soleil ! Cette division était mesurée par une méridienne le jour et une horloge à eau (clepsydre) la nuit.
Les hébreux, en revanche, avaient bien adopté un jour commençant à l'aube mais divisé en 8 parties. Ce sont eux qui ont introduit l'usage de la semaine, qui découle probablement du désir de découper chaque lunaison en quatre parties comme autant de phases lunaires (7 est en effet le quotient entier de 29,5 par 4). Il existe cependant bien d'autres théories pour expliquer ce chiffre 7, des plus crédibles aux plus farfelues.
Vers le IIIe siècle de notre ère, ce modèle de la semaine devint la règle à travers tout l'empire romain.

Le calendrier égyptien

Le calendrier des débuts de la civilisation égyptienne (établi 10 000 ans avant notre ère) est basé sur une année divisée en douze parties égales de 30 jours, subdivisées en décades. Il est possible, mais non-avéré, que ce découpage soit en rapport avec la mesure en degré de la circonférence héritée des chaldéens. Le système est simple mais également imprécis, malgré l'adoption par la suite (vers −4200) d'années vagues qui comprenaient 5 jours supplémentaires appelés épagomènes. En dépit de son mauvais ajustement avec l'année tropique, il resta en vigueur pendant 4 000 ans.
La civilisation égyptienne s'est développée sur les bords du Nil, rythmée par les crues annuelles du grand fleuve. C'est à Héliopolis (Cité du Soleil) que des prêtres remarquèrent que l'arrivée de ces inondations régulières coïncidait avec le lever héliaque de Sothis (aujourd'hui SiriusSirius
C'est l'étoile la plus brillante de tout le ciel, elle est la sixième par ordre de distance au Soleil.
Sirius
) alors proche du solsticeSolstice : en raison de l'inclinaison de l'axe de rotation terrestre sur le plan de son orbite, ce dernier n'est pas confondu avec l'équateur. Le Soleil passe ainsi par une déclinaison maximale deux fois par année. À ces points extrêmes, la position du Soleil semble s'arrêter pour reprendre une marche à rebours (sol stat, qui a donné solstitia).
Glossaire
d'été. C'est ce lever héliaque de Sirius en pleine chaleur, dans la constellation Canis Majoris (le Grand ChienGrand Chien
Constellation australe visible en hiver, elle renferme l'étoile la plus brillante de tout le ciel : Sirius.
Grand Chien
), qui est à l'origine du mot canicule. En raison de la précession des équinoxesPrécession des équinoxes : en raison du mouvement de précession, la ligne d'intersection du plan équatorial terrestre et du plan de son orbite ne peut rester fixe. Elle rétrograde de 50,26" par an entraînant avec elle le point vernal et son opposé qui marquent les équinoxes.
Glossaire
cette concordance n'existe plus, aujourd'hui ce lever a lieu début août.

Les 3 saisons égyptiennes
Akhet Peret Chemou
Thoth Tybi Pachon
Paophi Mechir Payni
Athyr Phamenoth Epiphi
Choeac Pharmouti Mesori

L'année égyptienne était alors divisée en trois saisons : celle des crues et inondations (Akhet), celle du retour du fleuve dans son lit et des semailles (Peret) et celle du niveau le plus bas atteint par le fleuve et des moissons. Chaque saison était partagée en quatre périodes de trois décades. Du fait que l'année contenait 365 jours, il existait encore un retard d'un jour tous les quatre ans. En −237, Ptolémée III tenta de le corriger en incorporant un sixième jour épagomène tous les 4 ans ; sa réforme resta confinée aux actes administratifs. Car, parallèlement à ce calendrier officiel, subsistait le calendrier « populaire » avec l'alternance des mois de 29 et 30 jours et un calendrier « agricole » uniquement basé sur le lever héliaque des étoilesÉtoile : elle se forme à partir d'un nuage de gaz qui s'effondre sous l'effet de la gravitation. Si la masse du nuage est suffisamment importante, la concentration de la partie centrale peut atteindre les conditions nécessaires aux réactions thermonucléaires.
Glossaire
. L'accord entre calendrier et saisons ne revenait que tous les 1 461 années, cette période était appelée période sothiaque.

Le calendrier musulman

Le calendrier musulman est exclusivement de type lunaire, selon le principe du premier calendrier chaldéen. Il alterne 12 mois de 30 et 29 jours, soit 354 jours. Comme le mois moyen des musulmans est de 29,5 jours, il retarde de plus de 43 minutes sur le mois synodique. Au bout de 30 années islamiques, il existe un décalage de 11 jours avec les phases de la Lune. Aussi, dans un cycle de 30 ans, 11 années voient leur dernier mois doté d'un jour supplémentaire. Ces années, qualifiées d'« abondantes » par opposition aux autres dites « communes », correspondent aux années 2, 5, 7, 10, 13, 16,18, 21, 24, 26 et 29 du cycle.
Les mois ne commencent pas par une date conventionnelle, mais à partir du moment où au moins deux hommes (dignes de foi) ont observé le premier croissant de Lune suivant une Nouvelle Lune.
L'origine de ce calendrier est l'Hégire, soit l'exil du prophète Muhammad (Mahomet) à Médine le 16 juillet 622 suivant notre système de datation actuel. Il fut instauré 17 ans après l'événement.

Les 12 mois de l'année musulmane
Nom Jours Nom Jours Nom Jours
1 – Mouharram 30 2 – Safar 29 3 – Rabi al Awal 30
4 – Rabi at Tani 29 5 – Djoumada al Oula 30 6 – Djoumada at Tania 29
7 – Radjab 30 8 – Chaaban 29 9 – Ramadan 30
10 – Chawwal 29 11 – Dou al Qada 30 12 – Dou al Hidjia 29/30